Thèse présentée en vue de l'obtention du grade de docteur en sciences politiques et sociales. Lire la suite
L'Union européenne est demeurée, tout au long de la dernière décennie, le premier bailleur de fonds de ladite "crise des réfugiés syriens" au Moyen-Orient et en particulier au Liban. La Commission européenne y déploie depuis 2014 une politique dite de "construction de la résilience" de l'Etat, des réfugiés et des populations locales, opérant à travers la fusion de l'assistance humanitaire et de l'aide au développement.
Notre recherche part de la réception critique du terme de résilience appliqué au contexte libanais et conçu comme un nouveau paradigme de gouvernance entrainant une refondation des approches (institutionnelles, politiques et conceptuelles), de l'assistance aux réfugiés. Nous nous attachons à en étudier les effets, abordés à travers les politiques éducatives déployées par les intervenants extérieurs en coordination avec l'Etat libanais. Foncièrement néolibérale, la politique européenne de résilience se traduit par le biais de modes de gouvernementalité foucaldienne. Tout en mettant en évidence ses effets en termes d'accroissement de la puissance indirecte de l'action extérieure de l'UE au Liban, nous prêtons également attention aux implications des politiques menées sur toute une chaine d'acteurs mobilisés dans le déploiement des programmes éducatifs, à plusieurs échelles. Nous analysons ainsi l'adhésion des élites libanaises au régime de résilience néolibéral ainsi que ses conséquences en termes de précarisation, de contrôle et d'exclusion des populations réfugiées.
TABLE DES MATIERES
Liste des schémas et tableaux 10
Remerciements 13
Liste des sigles, acronymes et abréviations 15
Introduction générale 17
1) Recentrage du sujet : les politiques de résilience dans le
secteur de l'éducation au Liban 21
2) Question de recherche 27
3) Les positionnements de la recherche au regard des
débats autour de la résilience et ses apports 29
4) Les orientations épistémologiques et méthodologiques de
la thèse 47
A) Une épistémologie pragmatique 47
B) Une méthodologie abductive 48
C) La récolte de données empiriques 50
D) La méthode de l'analyse à l’aide de catégories conceptuelles 52
5) Structuration de la thèse 54
Partie I : Une crise de responsabilité à l’égard des réfugiés
syriens au Liban 59
Chapitre I : Aborder et concevoir le phénomène de
résilience 61
Introduction 61
I) Une épistémologie pragmatique 62
1) Le corpus de données empiriques 63
2) la voix des acteurs, une prise empirique déterminante 72
A) L’abduction, accepter de tirer des conclusions provisoires 74
B) (Re)partir du terrain, écouter la voix des acteurs 78
II) Les va-et-vient de l’approche abductive du
phénomène de résilience 86
1) Retracer le Lien entre scolarisation des refugies et
construction de la résilience 87
A) De l’éducation pour tous à l’éducation des réfugiés 88
B) Résilience et action éducative dans les discours de l’Union
européenne 90
C) L’éducation des réfugiés pour construire la résilience des États
94
2) Analyser les manifestations de la politique résilience dans
le champ éducatif libanais 98
A) Le plan de réponse internationale à la crise des réfugiés dans le
champ éducatif : Race I et II 99
B) La grande fragilité du système éducatif libanais public 105
3) Changer de méthode pour conceptualiser le phénomène
de résilience au Liban 108
A) Le choix du fonds Madad comme repère de l’étude 108
B) Le choix d’une nouvelle méthode 115
4) Questions éthiques et limites de la recherche 130
Chapitre II : L’Union européenne et le régime de résilience
en réponse à la crise syrienne 141
Introduction 141
I) Une Légitimation du régime de résilience néolibéral en
réponse à la crise des réfugiés syriens 144
1) Aux origines de nouvelles conceptions des relations
internationales 145
A) La « sécurité humaine » à l’origine du régime de résilience 145
B) Une conception post-Westphalienne de la coconstruction de la
souveraineté de l’État 150
II) Un régime de gouvernance néolibéral 155
1) Gouverner par la résilience, l’exercice d’un biopouvoir 156
A) L’exercice du biopouvoir 157
B) L’exercice du biopouvoir à travers la gouvernementalité
néolibérale 160
C) La dépolitisation d’une relation de pouvoir occultée 165
III) La promotion du régime de résilience en réponse à la
faiblesse de l’action extérieure de l’UE 169
1) L’institutionnalisation de « l’approche intégrée » comme
réponse À ses limites internes 169
A) La volonté de dépasser des contractions internes à l’action
extérieure européenne 170
B) L’ineffectivité de l’action extérieure de l’UE 174
2) La promotion du régime de résilience comme réponse à la
complexité du monde 180
A) La résilience comme objectif de politique étrangère 180
B) La résilience au cœur de la nouvelle stratégie globale 184
3) L’essor d’une puissance indirecte de l’UE dans son
voisinage méditerranéen 191
A) L’abandon de responsabilité comme vecteur de dépolitisation
de la gouvernance des réfugiés 192
B) D’une responsabilité diffuse ou indirecte à une puissance
indirecte 201
Conclusion 209
Chapitre III : Le régime international de résilience des
réfugiés au Liban : Le renforcement d’une gouvernance par
le prisme de l’incertitude ? 213
Introduction 213
I) Légitimation de l’intervention d’urgence en réponse à
la crise des réfugiés syriens 216
1) Du « partage » à la « négation » de responsabilité dans la
réponse aux réfugiés dans l’espace moyen-oriental 217
A) Un travail sur la « question du partage des charges » en
réponse aux déplacements de populations 217
B) Fonction de soutien de la communauté internationale au sein du
nouveau régime de résilience 229
II) La permanence de modèles anciens au sujet de la
protection des réfugiés au Moyen-Orient 239
1) Le mandat de l’UNRWA : un mode de gestion néolibéral
avant l’heure ? 239
A) Régime d’exception : défaut de protection légale au cœur du
régime des réfugiés palestiniens 240
B) Une conception néolibérale de la protection internationale
fournie par l’UNRWA 243
2) Une délégation de responsabilité à l’État hôte 248
A) D’une responsabilité légale et politique à une responsabilité
morale pour les réfugiés Palestiniens 248
B) La responsabilité morale, légale et politique de l’État libanais à
l’égard des Palestiniens : une gestion exceptionnelle 251
C) L’impact des politiques néolibérales sur les conditions socio-
économiques des populations palestiniennes 254
3) Vers la normalisation d’un mode de protection
instrumental opérant par le biais de la gouvernementalité 260
A) Quelques permanences, de l’UNRWA au UN3RP 260
B) La question des liens entre gouvernementalité et souveraineté
263
III) Un renforcement des stratégies de
gouvernementalité dans la gouvernance des réfugiés au
Liban270
1) Le renforcement d’une souveraineté libanaise « hybride »
271
A) Transfert de responsabilité internationale à l’échelle nationale
au cœur de la gestion libanaise des réfugiés syriens 271
B) L’État libanais néopatrimonial et néolibéral 278
C) Un renforcement de l’exercice du pouvoir par les partis
politiques 286
2) Le défaut de responsabilité nationale, résultat de
« politiques d’incertitude » intrinsèquement néolibérales 288
A) L’ambiguïté institutionnelle de l’État libanais : une stratégie
intentionnelle de gouvernementalité 288
B) Abandon et transfert de responsabilité à échelle locale 290
Conclusion 301
PARTIE II : Gouverner à travers la responsabilisation des
populations locales 305
Chapitre IV : Les enjeux de la mise en place d’une
souveraineté partagée dans le champ de l’éducation des
réfugiés 313
Introduction 313
I) La gouvernance indirecte des bailleurs de fonds au
Liban 315
1) Le mécanisme de co-souveraineté au cœur du régime de
résilience 315
A) Une responsabilité limitée à un devoir moral et humanitaire
d’assistance 316
B) L’émergence d’une tension au cœur du mécanisme de partage
de souveraineté 321
3) La puissance indirecte de l’UE sur les acteurs libanais 326
A) La puissance institutionnelle de l’UE 326
B) La puissance productive de l’UE au Liban 333
II) L’impossible coordination du champ de l’aide
internationale dans le secteur éducatif 344
1) Les obstacles structurels à la coordination du secteur de
l’éducation des réfugiés 345
A) La quête de l’objectif assigné à l’éducation des réfugiés 346
B) L’absence d’outil mutualisé de gestion des données 349
C) De nouveaux obstacles à l’effort de coordination après 2019 351
2) L’effort de complémentarité au sein de la communauté
internationale 353
A) La tentative de coordination au niveau intra-européen 353
B) Tentative de coordination entre les bailleurs de fonds et les
partenaires de mise en œuvre 356
3) Une mise en concurrence financière et normative
insurmontable 360
A) Une mise en concurrence financière pour la puissance
institutionnelle 361
B) Une mise en concurrence normative pour la puissance
productive 374
Conclusion : faire de la puissance financière de l’UE la source
de sa puissance normative 385
Chapitre V : Les limites de la localisation de l’aide et ses
conséquences 389
Introduction 389
I) L’adhésion de l’État libanais au régime de résilience 398
1) La responsabilité de l’État Libanais au cœur du régime
hégémonique de résilience 398
A) La tradition d’une reconstruction menée par l’État au Liban 399
B) L’adhésion à une conception instrumentale de l’éducation 402
2) Un processus d’achèvement de la « privatisation de la
souveraineté de l’État » 409
A) Une « privatisation larvée » du secteur public éducatif 410
B) Associations « gestionnaires » au Liban, fournisseurs de
services pour l’État ? 414
C) Une distinction essentielle entre la nature des dispositifs et leurs
possibles usages 421
3) Un régime de résilience contesté en son sein 424
A) Une articulation difficile à l’État libanais 424
B) Des négociations nécessaires avec l’État libanais 429
C) Régime néolibéral et exacerbation de la « souveraineté
illégitime » 431
II) Le régime de résilience, une gouvernance par
l’exclusion ? 432
1) Les effets du renforcement de la souveraineté extra-légale
de l’État libanais : un contrôle accru sur la société civile 433
A) La société civile libanaise, grande oubliée du processus de
« localisation » 433
B) L’inaction comme tactique de gouvernementalité 445
2) Le transfert de responsabilité à échelle individuelle ou
l’exclusion sociale des réfugiés 454
A) Une responsabilité à échelle de l’individu 454
B) L’accroissement de la marginalisation des enfants réfugiés
syriens dans le secteur éducatif 457
C) Une politique d’exclusion sociale 463
Conclusion 469
Conclusion Générale 473
Annexe 1 : Liste des entretiens 483
Bibliographie 485