Penser contre nature

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Michel MOTTE

Jean Loubry est poète, comédien, metteur en scène, et aussi formateur à la Maison de la poésie de Namur. Il vient de publier un petit recueil d’aphorismes pas piqués des vers. Mais qu’est-ce qu’un

aphorisme? C’est une sentence qui résume en quelques mots une vérité fondamentale, dit le Larousse. Mais quand Jean Loubry titre son recueil Penser contre nature , ces sentences prennent un tout autre sens. Car il allie (ou oppose) poésie et philosophie. Qu’est-ce que la poésie? Par ses aphorismes, Jean Loubry pense contre nature à propos de trois thèmes: la création, la nature et les religions. Un petit exemple: la philosophie mesure la déréliction (l’état d’abandon) du monde et le poète s’invente de quoi y échapper . Le petit recueil édité aux Presses universitaires de Louvain est truffé de pensées du même genre, parfois plus longues: l’Art est, par excellence, ce qui échappe à la Culture ou, plus exactement, ce qui s’échappe de la Culture. Ainsi, la Culture catholique produisit-elle l’Inquisition tandis que l’Art chrétien bâtissait les cathédrales.

Et lorsque Culture et Art, par vocation politique, ne font plus qu’un, l’art disparaît au profit de la seule propagande puisque plus rien n’existe au-dessus d’ici qui puisse transcender le réel en beauté pure. Un autre aphorisme encore, pour la route: disparaîtra la littérature le jour où, enfin lassés de nos turpitudes, nous aurons perdu le goût de les étaler .

Une soirée agréable

Alors que dans un bâtiment annexe du centre culturel se tenait au même moment une réunion de type avant-élections, à la bibliothèque communale, de l’autre côté du chemin, Jean Loubry présentait son recueil d’aphorismes. Pas du tout le même genre de réflexions. Une soirée en compagnie de l’auteur et des deux directeurs de la collection Petites empreintes des Presses universitaires de Louvain, Nicolas

Monseu, de l’UNamur, et Jean Leclercq, de l’UCL. Pendant près de deux heures, on a discuté philosophie, poésie. On a discuté enjeux, dangers, etc., et partagé pas mal des pensées contre nature de l’auteur, les directeurs de la publication le mettant un peu sur le gril en matière de religion, d’athéisme, etc. Pour aérer la soirée, un voisin de Jean Loubry, enseignant à l’Epasc, Pierre Keller, a présenté son voisin avec humour. Entre voisins, les deux hommes s’apprécient, c’est clair, et Pierre, peintre à ses heures, a peint la figure de Jean. De l’expressionnisme déluré. Manquaient à la soirée, pour revenir un peu sur terre, Chavée, celui qui se décrivait comme le vieux Peau-Rouge qui ne marcherait jamais dans une file indienne, et ses disciples tout aussi surréalistes.